Laissez-moi vous raconter la plus excitante sensation éprouvée lors d’une visite en Corrèze accompagné d’Isabelle.
Les Tours De Merle que je ne connaissais que de nom par le biais d’amis médiévistes, me furent ainsi révélées un jour de juillet 2010. Volontairement je prends le parti de ne pas vous parler de leur histoire, qui est certes très intéressante et riche, mais plus modestement essayer de vous faire partager mon émotion puis ma fascination au contact de ces tours.
L’accès se fait à pied sur un sentier de terre à l’abri d’une végétation luxuriante. Mon cœur tressaute à chaque portion de tour entraperçue à travers une frondaison un peu moins dense par endroit. Je découvre enfin la citadelle, la majestueuse. Je suis à ses pieds, tout petit. Je ne me lasse pas de la détailler avant d’oser entrer en son sein. A trente mètres au dessus des méandres de la Maronne, elle se dresse fière, paisible, impressionnante. Cette perle est posée là, dans son écrin de verdure. On la sent chargée d’histoire, elle en a les stigmates et de profondes cicatrices l’ont entaillée, marquée à jamais.
Ici un pan de mur que le temps a décidé de garder en équilibre, là des hostels, des maisons nobles, des tours parfaitement conservées, érigées en leurs temps par les seigneurs de l’époque. Au total sept châteaux ont été bâtis en co-seigneurie à partir du XIIIe siècle au sommet des trois puys du méandre.
Je décide avec Isabelle de gravir les nombreuses marches permettant d’accéder au sommet de la tour ouverte au public… et là c’est le choc !!
Au-dessous de nous, des reliefs luxuriants et mouvants ondulent, tels une mer émeraude, agitée, prête à nous engloutir. J’ai la tête qui tourne, je m’assois.
Tel un bateau ivre, sur une mer verdoyante, bercé par une profonde houle chlorophylle, je m’abandonne à ce mal de terre. Je ne veux pas quitter ma place, et allongé sur le pont de mon esquif je pense à ces vers d’Arthur Rimbaud :
« J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteur,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! »
Enivré et charmé, je me fais violence pour quitter ce lieu idyllique et envoûtant avec regret, me promettant d’y revenir sans tarder.
Depuis, un coin de ma tête conserve les couleurs, les odeurs, l’ivresse de cette après midi chargée de tant d’émotions.